Prélèvements ADN : jusqu’où ?


Les faits
Un homme âgé de 67 ans a été interpellé par la police à cause d’une lettre insultante et menaçante, signée de son nom mais qu’il n’a jamais écrite, adressée au chef de l’Etat.

Il passé sept heures en garde à vue par erreur le 22 janvier 2009 à Maubeuge (Nord).

Son domicile a été fouillé pour rechercher des armes et examiner son ordinateur.

“La police m’a montré une lettre tapée à l’ordinateur avec mon nom en bas et mon adresse et qui disait que j’avais menacé M. Sarkozy de mort, insulté sa femme et que j’étais le chef d’une entreprise terroriste”, a raconté Zéphir Brassart à l’AFP, confirmant une information du quotidien la Voix du Nord.

« J’ai subi des test ADN, la prise d’empreintes et des photos de face et de profil. Ils ont fini par me relâcher parce qu’ils ont bien vu que c’était une erreur », a-t-il ajouté, encore choqué par sa mésaventure.

Le parquet de Paris a confirmé à l’AFP qu’aucune charge n’avait été retenue contre le retraité, et que la brigade criminelle continuait d’enquêter pour tenter de connaître le véritable auteur de la lettre. Site NouvelObs


Analyse juridique
Sur le fondement de l’article 706-54 du code pénal, les empreintes génétiques des personnes à l’encontre desquelles il existe des indices “graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient commis l’une des infractions mentionnées à l’article 706-55” sont conservées dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques sur décision d’un officier de police judiciaire agissant soit d’office, soit à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction.

Les officiers de police judiciaire peuvent également, d’office ou à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction, faire procéder à un rapprochement de l’empreinte de toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis un crime ou un délit, avec les données incluses au fichier, sans toutefois que cette empreinte puisse y être conservée.

Un décret en Conseil d’Etat a précisé notamment la durée de conservation des informations enregistrées.

Il s’agit d’une durée fixe pour les résultats concernant les personnes condamnées ou suspectées, d’une durée variable en cas de recherche des causes de la mort ou de disparition : la durée est en principe de 40 ans ! (CPP, art. R. 53-14, al. 1er).

Ainsi, une personne simplement suspectée peut être inscrite dans ce fichier : cela veut dire qu’il suffit que l’on considère suspect n’importe quel citoyen de notre pays pour que celui-ci soit tenu de subir un prélèvement et figure 40 années dans ce fichier !

Le fichier national automatisé des empreintes génétiques centralise également les traces et empreintes génétiques concernant les infractions suivantes :

Les infractions de nature sexuelle visées à l’article 706-47 du présent code ainsi que le délit prévu par l’article 222-32 du code pénal ;
Les crimes contre l’humanité et les crimes et délits d’atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d’atteintes aux personnes, de trafic de stupéfiants, d’atteintes aux libertés de la personne, de traite des êtres humains, de proxénétisme, d’exploitation de la mendicité et de mise en péril des mineurs ;
Les crimes et délits de vols, d’extorsions, d’escroqueries, de destructions, de dégradations, de détériorations et de menaces d’atteintes aux biens prévus par les articles 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-9, 313-2 et 322-1 à 322-14 du code pénal ;
Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme, la fausse monnaie et l’association de malfaiteurs ;
Les délits prévus par les articles L. 2353-4 et L. 2339-1 à L. 2339-11 du code de la défense ;
Les infractions de recel ou de blanchiment du produit de l’une des infractions mentionnées aux 1° à 5°, prévues par les articles 321-1 à 321-7 et 324-1 à 324-6 du code pénal.
Les délits de violences volontaires, de menaces d’atteintes aux personnes, de trafic de stupéfiants, d’atteintes aux libertés de la personne sont des délits de nature banale et, pour certains d’entre eux, de très faible gravité.

Par exemple, cela a notamment permis d’imposer des prélèvements aux faucheurs d’OGM ! « Tu as péché par le génétique, tu seras puni par le génétique » !

Bien que les principes généraux du droit pénal veulent qu’en principe une personne ne puisse être contrainte à une intervention sur son corps, le législateur n’a pas hésité à en faire fi.

En premier lieu, comme en matière de refus de dépistage de l’alcoolémie, il a institué en délit le refus de se soumettre au prélèvement biologique prévu au 1er alinéa du I de l’article 706-56 (CPP, art. 706-56, II).

La sanction est différente suivant que l’auteur du refus a été condamné pour un délit (1 an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende) ou pour crime (2 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

Les peines de l’article 706-56, II, alinéas 1er et 2 se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles pour lesquelles la personne a fait l’objet d’une demande de prélèvement.

Il a créé un délit de substitution de matériel biologique : les manœuvres (et leur tentative !) destinées à substituer à son propre matériel biologique le matériel biologique d’une tierce personne, avec son accord ou non, sont punies de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende !

L’article 706-56, III prévoit même que si la personne condamnée commet l’une des infractions prévues par cet article, cela entraîne de plein droit le retrait de toutes les réductions de peine dont elle a pu bénéficier, et interdit l’octroi de nouvelles réductions de peine.

Cette disposition, dès lors qu’elle prévoit une sanction automatique et disproportionnée, pourrait probablement donner lieu à une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme sur le fondement de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit au procès équitable).

En deuxième lieu, il crée une exception au principe du consentement en disposant que vis-à-vis des personnes condamnées pour crime ou pour un délit puni de 10 ans d’emprisonnement, le prélèvement peut être effectué sans l’accord de l’intéressé sur réquisitions écrites du procureur de la République (CPP, art. 706-56, I, al. 5).

Enfin, lorsque, malgré ce dispositif, il s’avère impossible de procéder à un prélèvement biologique sur une personne mentionnée au premier alinéa du I de l’article 706-56 du Code de procédure pénale, l’identification de son empreinte génétique peut être réalisée à partir de matériel biologique qui se serait naturellement détaché du corps ! (CPP, art. 706-56, al. 4).

Comment agir ?
Il faut s’opposer à cette société Big Brother qui chaque jour se développe un peu plus.

De nombreuses personnes résistent. Pour toutes informations sur ce sujet, vous pouvez consulter avec profit le site Refus ADN

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