Quand le droit proportionnel mis à la charge du créancier pour rémunérer un huissier de justice en cas de recouvrement de sommes est-il dû ? Peut-on y échapper ?

L’article 10 du Décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 (Annulé, CE, 5 mai 1999, M. Morin, req. n° 185494 ; validation législative, L. n° 99-957, 22 nov. 1999, art. 6 ; remplacé, D. n° 2001-212, 8 mars 2001, art. 1er) a été très dénoncé car il fait supporter une partie des frais de recouvrement d’une créance à la charge du créancier qui met en œuvre une procédure d’exécution à l’encontre d’un débiteur.

Cet article énonce que : « Lorsque les huissiers de justice recouvrent ou encaissent, après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet conformément aux articles 507 du Nouveau Code de procédure civile et art. 18 du décret [n° 56-222] du 29 février 1956 portant application de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, des sommes dues par un débiteur, il leur est alloué, en sus éventuellement du droit visé à l’article 8, un droit proportionnel dégressif à la charge du créancier. Ce droit, qui ne peut être inférieur à 10 taux de base ni supérieur à 1 000 taux de base et est exclusif de toute perception d’honoraires libres, est calculé sur les sommes encaissées ou recouvrées au titre de la créance en principal ou du montant de la condamnation, à l’exclusion des dépens. Il est fixé selon les tranches suivantes :Jusqu’au 31 décembre 2001 :

  • 12 % jusqu’à 800 F ;
  • 11 % de 801 à 4 000 F ;
  • 10,5 % de 4 001 à 10 000 F ;
  • 4 % au-delà de 10 000 F . À compter du 1er janvier 2002 :
  • 12 % jusqu’à 125 € ;
  • 11 % au-delà de 125 et jusqu’à 610 € ;
  • 10,5 % au-delà de 610 et jusqu’à 1 525 € ;
  • 4 % au-delà de 1 525 € . »

Mais que se passe-t-il en matière d’aide juridictionnelle ?

L’huissier de justice ne peut prétendre percevoir le droit de recouvrement ou d’encaissement prévu par l’article 10 de son tarif (D. n° 96-1080, 12 déc. 1996), car la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 (Journal Officiel 13 Juillet 1991) dans ses articles 32 et 36, prévoit qu’en matière d’aide juridictionnelle totale, la rémunération perçue par l’huissier de justice est exclusive de toute autre rémunération. Cette disposition vise le cas de l’aide juridictionnelle totale.

En revanche, les textes sont muets en matière d’aide juridictionnelle partielle. À défaut de l’exclure expressément, il apparaît que le bénéfice des dispositions de l’article 10 (D. n° 96-1080, 12 déc. 1996) peut profiter à l’huissier de justice, en matière d’aide juridictionnelle partielle, sur le montant des sommes recouvrées. Mais il conviendra d’appliquer les coefficients prévus par l’article 98 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 (source Jurisclasseur Encyclopédie des Huissiers de Justice).

Article 98 (Modifié, D. n° 93-1107, 16 sept. 1993, art. 2 ; D. n° 94-1124, 21 déc. 1994, art. 3 et 7) : La part contributive de l’État versée à l’avocat ou à l’officier public ou ministériel qui prête son concours au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle est celle qui est prévue par les articles précédents, affectée d’un pourcentage calculé en fonction du tableau ci-après :

  • RESSOURCES PART CONTRIBUTIVE DE L’ÉTAT(en pourcentage)
  • 1 X p à 1,045 6 X p 85
  • (1,0456 X p) + 1 à 1,1024 X p 70
  • (1,1024 X p) + 1 à 1,1820 X p 55
  • (1,1820 X p) + 1 à 1,2727 X p 40
  • (1,2727 X p) + 1 à 1,3864 X p 25
  • (1,3864 X p) + 1 à 1,4999 X p 15
  • p : plafond de ressources pris en compte pour le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale.

Cette solution de bon sens, se trouve confortée par l’article 100 dudit décret : « L’émolument complémentaire versé par le bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle aux officiers publics ou ministériels est calculé suivant le tarif de droit commun applicable minoré, selon les tranches prévues à l’article 98, de 50, 45, 40, 35, 30 ou 25 % et déduction faite de la rétribution de l’État. Dans tous les cas, cet émolument complémentaire ne peut être supérieur au montant du plafond de ressources fixé par la loi pour l’attribution de l’aide juridictionnelle totale  ».

Le créancier peut-il échapper au paiement de ce droit proportionnel ?

C’est possible dans certains cas. Il faut alors être très prudent sur la mission confiée à l’huissier si on veut éviter d’être ponctionné de droit proportionnel en cas, par exemple, de paiement qui intervient après un simple commandement de payer.

Il faut notamment préciser explicitement à l’Huissierqu’il ne lui est pas donné mandat d’encaisser.

Cette précision est en effet indispensable car selon l’article 507 du nouveau code de procédure civile, la remise du jugement à l’huissier vaut pouvoir pour toute exécution pour laquelle il n’est pas exigé de pouvoir spécial.