La traçabilité, concept inventé pour les animaux d’élevage, va-t-elle bientôt s’appliquer à l’Homme ?
Le droit de la filiation est un domaine dans le quel il est intéressant de comparer l’évolution du droit et celle de la société. Il en est par exemple ainsi du recours à la preuve biologique, dans les actions en recherche de paternité.
Depuis les lois de 1972 et de 1993, l’approche juridique de la paternité s’est trouvée modifiée du fait des progrès réalisés en matière d’analyses sanguines.
L’ordonnance du 4 juillet 2005 est venue compléter et achever l’évolution législative puisqu’elle a modifié l’article 310-3 alinéa 2 du code civil, qui prévoit désormais qu’en matière d’actions relatives à la filiation, celle-ci se prouve et se conteste par tous moyens, y compris l’expertise biologique.
Mais la Cour de Cassation, dans son arrêt du 28 mars 2000, est allée beaucoup plus loin en indiquant que « l’expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s’il existe un motif légitime de ne pas y procéder ».
Ainsi, lorsqu’une action en recherche de paternité est engagée par un enfant ou sa mère, le père potentiel n’a quasiment d’autre choix que celui de se soumettre à un test biologique.
Or, la Cour de Cassation, mais aussi les juridictions du fond, semblent se fonder, de façon quasi exclusive, sur le droit de l’enfant à connaître ses origines pour ordonner l’expertise biologique.
Cependant, existe-t- il réellement un droit à connaître ses origines, qui s’imposerait aux parents, et plus particulièrement aux pères faisant l’objet d’une action en recherche de paternité ?
Les textes internationaux, spécifiques aux droits de l’enfant, prévoient en effet cet accès aux origines.
L’article 7 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant reconnaît à celui-ci « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents ».
La Convention internationale de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale prévoit, dans son article 30 que « les autorités compétentes de l’Etat contractant veillent à conserver les informations qu’elles détiennent sur les origines de l’enfant, notamment celles relatives à l’identité de sa mère et de son père (…). Elles assurent l’accès de l’enfant ou de son représentant à ces informations, avec les conseils appropriés, dans la mesure permise par la loi de leur Etat ».
Cependant, ces deux conventions internationales ne posent pas un droit impératif à l’accès aux origines dont pourraient se prévaloir les particuliers. Elles ne fixent que des objectifs vers lesquels doivent tendre les législations des Etats signataires, dont fait partie la France.
De plus, leur contenu reste limité. La Convention de New York inscrit le droit de connaître ses origines « dans la mesure du possible ». De plus, la Convention de La Haye ne prévoit que la conservation des informations sur les origines de l’enfant, elle n’envisage pas leur mise à disposition.
Le droit français s’est aussi préoccupé de l’accès aux origines de l’enfant.
La loi du 22 janvier 2002, relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et des pupilles de l’Etat, a ajouté dans le code de l’action sociale et des familles « l’importance pour toute personne de connaître ses origines et son histoire » (article L222-6 du casf). Mais il n’est jamais fait mention d’un droit à connaître des origines.
Il n’existe donc pas de droit fondamental à la connaissance des origines, qui s’imposerait de façon absolue aux états et aux particuliers français.
C’est d’ailleurs ce qu’a indiqué la Cour européenne des droits de l’homme, dans arrêt Odièvre c/ France du 13 février 2003.
La France n’a pas été condamnée par la Cour, qui a considéré que l’accouchement sous X ne constituait pas, pour l’enfant, une atteinte au droit de connaître ses origines, dans la mesure où la loi française prévoit la possibilité de réversibilité du secret de l’identité de la mère (article L222-6 du CASF) et la création d’un Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (articles L 147-1 à l147-11 du CASF).
L’impératif de connaissance des origines de l’enfant est donc, pour la Cour, compatible avec le droit au respect de la vie privée de la mère.
Dès lors, s’il n’existe pas de droit fondamental des enfants à connaître ses origines, pourquoi les juridictions du fond, soutenue par la cour de cassation, ordonnent-elles de façon systématique une expertise biologique dans les affaires de filiation ?
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