Covid 19 et nos droits fondamentaux

Dans un article de son édition du Dimanche 29 – Lundi 30 mars 2020, le quotidien Le Monde titrait « L’état d’urgence sanitaire ouvre des brèches dans l’Etat de droit ».

N’est-il pas invraisemblable que le Conseil Constitutionnel ait autorisé une dérogation à la Constitution en raison des circonstances liées à la crise du Covid-19, alors qu’il est chargé de veiller à son respect par tous ?

Celui-ci était appelé à se prononcer sur la loi organique du 23 mars votée avec la loi sur l’état d’urgence sanitaire. Cette loi organique suspend jusqu’au 30 juin le délai dans lequel le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation doivent se prononcer sur le renvoi d’une QPC au Conseil constitutionnel et le délai dans lequel celui-ci doit lui même se prononcer sur cette question.

« Compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, il n’y a pas lieu de juger que cette loi organique a été adoptée en violation des règles de procédure prévues à l’article 46 de la Constitution » : une telle décision est atterrante.

Pour la première fois depuis 1958, le Conseil s’est cru permis de délivrer une autorisation de dérogation à la Constitution en fonction de circonstances exceptionnelles, alors qu’aucune disposition constitutionnelle ne le lui permet.

S’agit-il d’un dangereux précédent ?

De la même façon, la Présidente de la commission libertés et droits de l’homme au Conseil National des Barreaux, Béatrice Voss juge que « de nombreuses dispositions prises dans les ordonnances n’étaient pas nécessaires au regard des problèmes posés par l’épidémie »

L’ordonnance portant adaptation de règles de procédure pénale instaure de nombreuses dérogations aux règles de fonctionnement des juridictions.

En matière de justice des mineurs, par exemple, le juge des enfants « pourra prolonger de plusieurs mois une mesure de placement en l’absence de débat contradictoire. Les droits de l’enfant et des parents sont totalement bafoués ».

Tandis que les tribunaux se sont organisés dans le cadre de plans de continuité d’activité pour gérer les affaires urgentes, l’ordonnance prévoit que certaines audiences pourront se tenir avec un juge unique, au lieu de trois, que l’absence de public pourra être décidée pour des raisons sanitaires et que le prévenu, s’il est détenu, pourra être entendu par visioconférence, voire par téléphone.

En matière civile, certains litiges pourront être tranchés sans audience, c’est-à-dire sans la présence des intéressés ni de leurs avocats.

« Le fantasme gouvernemental d’une procédure sans la présence du justiciable (…) pourrait être ainsi enfin totalement assouvi », écrit le Syndicat de la magistrature, qui s’inquiète de voir ces dispositions maintenues au-delà de la fin de période de confinement de la population.

Le Monde cite Serge Slama : « Le risque de cet état d’urgence sanitaire est qu’il constitue un laboratoire s’il s’installe dans la durée ». Selon lui, les initiatives prises ici ou là de surveillance de la population par des drones, ou encore d’interdiction préfectorale d’activités ou de lieux qui vont au-delà des mesures gouvernementales, banalisent dangereusement des atteintes aux libertés fondamentales.

Cette chronique se propose d’en raconter l’actualité.

Lire l’article du Monde

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