La Justice et le Coronavirus

Dès le 18 mars 2020, le fonctionnement de la Justice a été totalement bloqué, à l’exception des cas d’urgence (essentiellement les urgences pénales ou mesures relatives aux enfants).

Tous les autres contentieux ont fait l’objet de renvois.

A titre d’exemple, un dossier de notre Cabinet dans lequel nous avions saisi le Juge aux Affaires Familiales le 4 novembre 2019 pour une demande de résidence alternée et qui devait être examiné par le JAF lors d’une audience le 9 avril 2020, a été renvoyé au … 30 novembre 2020 !

Mais les choses bougent, même si c’est pour l’instant modeste, et l’on va pouvoir obtenir sous peu les premiers jugements en période confinée suite à l’ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 qui a “adapté” les règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale.

Cette ordonnance a tenté de prévoir toutes les situations.

En ce qui concerne les audiences, son article 8 prévoit que “Lorsque la représentation est obligatoire ou que les parties sont assistées ou représentées par un avocat, le juge ou le président de la formation de jugement peut décider que la procédure se déroule selon la procédure sans audience. Elle en informe les parties par tout moyen. A l’exception des procédures en référé, des procédures accélérées au fond et des procédures dans lesquelles le juge doit statuer dans un délai déterminé, les parties disposent d’un délai de quinze jours pour s’opposer à la procédure sans audience. A défaut d’opposition, la procédure est exclusivement écrite. La communication entre les parties est faite par notification entre avocats. Il en est justifié dans les délais impartis par le juge.

Ainsi, une partie peut s’opposer à cette procédure sans audience (et donc sans plaidoiries) mais elle s’expose à un renvoi très lointain.

Qu’en penser ? Certes, il s’agit d’une disposition liée à la crise sanitaire que nous traversons, mais elle s’inscrit dans un contexte historique dans lequel la plaidoirie recule inéluctablement : de nombreux magistrats ne la supportent plus et l’argument le plus fréquemment avancé est que la procédure est écrite et donc la plaidoirie inutile.

Normalement, lors d’une audience civile, l’article 804 du code de procédure civile prévoit que « le juge de la mise en état fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries. Exceptionnellement, le rapport peut être fait par le président de la chambre ou un autre juge qu’il désigne ». Le rapport expose l’objet de la demande et les moyens des parties, il précise les questions de fait et de droit soulevées par le litige et fait mention des éléments propres à éclairer le débat, sans faire connaître l’avis du magistrat qui en est l’auteur.

Mais il extrêmement rare que ce rapport soit fait, ou alors ce n’est qu’un simulacre de rapport, dont il ressort que le magistrat ne connait pas le dossier.

L’avocat qui plaide est donc obligé de tout exposer, alors que si ce rapport avait été fait correctement, il n’aurait pu prendre la parole que sur les points sur lesquels il était en désaccord avec la présentation faite par le magistrat, ou sur ceux sur lesquels le magistrat demandait des précisions.

Pourtant, le discours ambiant des sphères judiciaires est que les avocats parlent trop, alors que cela est dû au fait que la plupart des magistrats ne respectent ni la lettre, ni le fond de l’article 804 du code de procédure civile…

La question que l’on se pose est la suivante : que va-t-il se passer après le déconfinement en ce qui concerne les plaidoiries des avocats en matière civile ?

A suivre avec attention…

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